Au nom d’Allah, l’Infiniment Miséricordieux, le Très-Miséricordieux
La conversion de Noémie
La
conversion à l'Islam reste un phénomène très méconnu dans les sociétés
occidentales. Aucune étude à proprement parler ne peut chiffrer
exactement le nombre de convertis en France et en Europe. La seule
certitude réside dans l'ampleur et l'accélération du phénomène durant
ces 10 dernières années. Derrière les stéréotypes que proposent les
médias, se cachent souvent des réalités personnelles complexes, parfois
très difficiles.
Noémie,
20 ans, a décidé de nous faire part de son témoignage, et nous apporte,
à travers lui, un éclairage particulièrement intéressant sur ce
cheminement qu'empreinte de plus en plus d'individus.
Je
m'appelle Noémie, j'ai 20 ans. Je viens d'un petit village de l'Est,
dont la population musulmane est très minime. Toute ma famille est
athée, je n'ai eu aucune éducation religieuse. J'ai donc connu l'Islam à
l'école, à 12 ans, en cours d'histoire, en même temps que les deux
autres "religions monothéistes" (judaïsme et christianisme). L'islam m'a
alors vraiment passionnée, l'histoire du Prophète m'a complètement
fascinée. Comment l'expliquer, alors que depuis toute petite j'ai grandi
dans une atmosphère purement et simplement antireligieuse ?
Bref,
ma curiosité m'a poussée à approfondir mes connaissances. Pas dans
l'objectif de croire bien sûr, ni de me convertir, uniquement pour
"connaître". Ma prof d'histoire m'avait dit : "la religion est la base
de la société. Pour comprendre celle-ci, il faut connaître celle-là". Ma
soif de connaissance et de compréhension m'a donc poussée vers l'Islam.
Aujourd'hui j'ai 20 ans, ma pratique évolue de jour en jour, ma foi
grandit également. J'ai maintenant totalement intégré les valeurs
"islamiques" (ce mot a une connotation négative, mais pourtant, il a un
sens qui est tout autre). Je me suis posée, calmée, je pense sereinement
à l'avenir. Je fais des études de sociologie, et je souhaite de tout
cœur aller loin dans cette voie. Je pense de plus en plus à porter le
hijab, ce sera la prochaine étape de ma conversion. Je sais que ça va
poser beaucoup de problèmes, pourtant c'est tellement noble... j'espère
pouvoir briser les préjugés, à mon échelle : celle de mes amis et de ma
famille surtout. Je suis devenue le vilain petit canard, l'enfant dont
on ne sait que faire. Je suis sujette aux pires moqueries. Mais
qu'importe!!! Je suis heureuse comme je suis, tout à fait heureuse. Et
le jour où ma famille comprendra cela, alors ils ne pourront qu'accepter
ma foi. C'est tout ce que je souhaite aujourd'hui : leur prouver qu'on
peut être musulmane (voilée) et tout à fait épanouie.
J'ai
donc fait des recherches, j'ai lu beaucoup de livres, et ce, pendant
des années. J'étais aussi intéressée par l'art musulman (architecture
notamment). Au fil des lectures et de mon apprentissage, la foi est
née... je ne sais pas précisément à quel moment, mais un beau jour, je
me suis dit que je "devais devenir musulmane".
Ma
conversion ne s'est pas faite du jour au lendemain. Tout d'abord, parce
que je ne connaissais pas tout de l'islam à ce moment-là, du moins
concernant la pratique. La conversion se fait par étapes. La première
étape fut d'arrêter le porc. Puis, l'alcool et tout ce qui était fait
avec de l'alcool. Bref, à décortiquer les étiquettes alimentaires tout
simplement !! Cette étape a fait rire beaucoup de monde. J'avais alors
17 ans, et tout le monde assimilait ça à une crise d'adolescence, à une
mauvaise influence. Personne ne croyait en ma foi. Je n'étais pas encore
musulmane, je n'avais pas vraiment intégré les valeurs musulmanes. Même
après ma Chahada (prononciation de l’attestation de foi NDLR) publique,
signe d'entrée dans la religion, je n'étais pas "vraiment musulmane",
même si je pensais alors l'être (ce qui est le cas de beaucoup de
jeunes, même des" musulmans-nés").
J'avais
à cette époque beaucoup d'ami(e)s qui se prétendaient musulman(e)s. Je
découvre aujourd'hui qu'ils n'ont pas forcément eu un bon impact sur
moi. Je confondais alors Arabes et musulmans, comme beaucoup de monde
d'ailleurs, et cela m'a amené à fréquenter des gens qui me donnaient une
image faussée de la religion. Comme le dit Cat Stevens, converti lui
aussi : "heureusement que j'ai connu l'Islam avant de connaître certains
musulmans"... je me reconnais tout à fait dans cette phrase, j'ai été
effectivement un peu déçu par certains musulmans. Personne ne comprenait
vraiment le dilemme dans lequel je vivais ; entre mon éducation athée,
ma culture française et ma foi musulmane. On m'en demandait beaucoup, on
me faisait tout autant de reproches : soit j'étais trop française, soit
j'étais trop musulmane. J'ai mis du temps à comprendre qu'on pouvait
tout à fait être française et musulmane, sans pour autant avoir des
tendances schizophrènes.
Ce
n'est que deux ans après mon entrée officielle dans la religion que
j'ai commencé la prière. J'en ai ressenti le besoin. Je culpabilisais de
ne pas la faire, chaque soir je me couchais avec ce reproche que je me
faisais à moi même. Alors, un jour, j'ai décidé de m'y mettre. Vraiment.
Sérieusement. J'ai pris un livre offert par un ami, et j'ai commencé à
le bouquiner. J'ai mis du temps à bien saisir toutes les subtilités !!
J’avais du mal à me représenter la prière, à comprendre le système de
rakaâ. J'avais alors demandé de l'aide à un ami, mais il n'a pas
souhaité m'aider. Les autres se désistaient un par un. J'ai donc pris
sur moi. Une déception en plus !!!
Concernant
ma relation avec ma famille, c'est un point certes très délicat, mais
surtout très mitigé. Si je dis que le sujet est mitigé, c'est parce que
ma conversion a un double impact : un positif et un négatif. L'impact
positif, c'est que j'ai changé. L'adolescente turbulente, déscolarisée, a
laissé place à une jeune fille posée, pleine d'ambition. "Le paradis
est sous les pieds des mères". La mère est sacrée en Islam, et la
mienne, je la chouchoute. Je la protège. Et jamais, jamais, je ne monte
la voix contre elle. Jamais je ne me permets une remarque blessante. Et
même si parfois ses propos me gênent, j’essaye de le lui dire avec calme
et politesse. Bref, je la respecte plus que tout au monde :
malheureusement, ce n'était pas le cas avant ma conversion, et je vois
bien que ce n'est non plus le cas de mon frère ou de mes ami(e)s non
musulman(e)s. Du coup, nos rapports se sont nettement améliorés. On peut
parler, une complicité s'est instaurée. Je prends soin d'elle, aussi de
ma grand-mère, ce que personne ne fait dans ma famille (les personnes
âgées sont un poids pour beaucoup de mes germains). Par contre, il est
vrai qu'il y a le revers de la médaille. Mon choix ne leur plait pas
tellement. Mon évolution a pourtant été très lente, ils ont eu le temps
de s'adapter avec moi. Mais l'incompréhension et la peur sont les plus
fortes pour eux. Ils ne comprennent pas comment on peut croire à Dieu,
et d'ailleurs, eux-mêmes ne croient pas autre chose que ce qu'on montre
dans le 20h de TF1... c'est dire !!
Les
préjugés ont la peau dure, mais moi aussi. Malgré toutes leurs
remarques, leurs moqueries, les cris contre moi, ma foi ne diminue pas.
J'ai le droit à tous les mots bas : on me sort que je suis soumise,
malheureuse, perdue, que je suis manipulée... ce n'est pas du tout le
cas, je fais ma vie comme je l'entends, et personne ne prend mes
décisions à ma place. J'ai gardé mon esprit d'indépendance malgré tout.
Leur phrase préférée est "on n'est pas chez les Arabes ici !!", on me
sort souvent que je joue à l'algérienne et que donc je ferais mieux
d'arrêter mes études pour rester dans ma cuisine... bref, les gros
stéréotypes !!! J’ai surtout ce genre d'accrochages avec mon frère, âgé
de 23 ans.
Ma
mère elle, du moment qu'elle me garde près d'elle, que je fasse de
bonnes études et que je reste une fille raisonnable, ne m'embête pas
trop. De toute manière, elle m'a toujours dit que si mon père et elle,
ne m'avaient pas baptisée, c'est pour que je "puisse choisir ma
religion" une fois l'âge de raison atteint. La tolérance et le respect
étaient à la base de l'éducation et des valeurs qui voulaient nous
transmettre, et au nom de ces valeurs, elle se trouve bien obligé de
m'accepter comme je suis...
Le
jour où je porterai le Hijab, ce que je compte faire prochainement,
cela se passera encore différemment... Pour l'instant je la prépare.
Quand elle verra que voilée ou pas, je reste toujours sa fille, la même,
que je garde ma personnalité et que finalement, je suis remplie de
pudeur et de respect pour moi-même et mon entourage, alors, elle sera
sûrement fière. Il ne pourra en être autrement, quand elle verra en plus
que je suis heureuse, épanouie, et que j'ai réussi ma vie (incha
Allah).
Si
je peux convaincre une seule personne que l'Islam n'est pas une
religion de barbares assoiffés de sang, alors, ma vie n'aura pas été
inutile...
Pour finir, j'aimerai citer un verset que je trouve très parlant et très vrai : Sourate 9 At-Tawbah, versets 124, 125 : "Et
quand une sourate est révélée, il en est parmi eux qui dit "Quel est
celui d'entre vous dont elle fait croître la foi ? ". Quant aux
croyants, elle fait certes croître leur foi, et ils s'en réjouissent.
Mais quant à ceux dont les cœurs sont malades, elle ajoute une souillure
à leur souillure, et ils meurent dans la mécréance."
Pour
moi, le Coran est un révélateur du cœur des hommes : les hommes au fond
mauvais ne verront le Coran que dans le négatif, et les hommes au fond
bon, seront marqués par la pureté du Coran, et par tout le respect qu'il
nécessite. C’est ma petite réponse à tous les islamophobes. Beaucoup
citent le Coran, ni le comprendre, ni le remettre dans un contexte, et
sortent des Versets en n'y voyant que ce qu'ils souhaitent y voir.
Ceux-là sont tout simplement des gens mauvais. Je vis ma foi sainement,
et pour moi, c'est cela le vrai Islam.
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